Travailleurs marocains maltraités en France : “C’est une exploitation inhumaine de personnes vulnérables”

Des intermédiaires, des rabatteurs, des courtiers. Des exploitants et des exploités. Derrière les contrats saisonniers français, une économie s'est développée, dévoyant un mécanisme de recrutement hérité de la fin de l'ère coloniale. Ahmed Chtaibat, représentant de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) au Maroc, détaille à TelQuel les dessous d'un mécanisme néfaste.

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En France, des travailleurs marocains portent plainte pour trafic d’êtres humains. À Casablanca, l'Office français de l'immigration et de l'intégration suit le dossier. Crédit: StreetPress Samuel Alerte / Matthieu Bidan

Au mois d’avril dernier, le journal d’investigation français StreetPress révélait dans une enquête comment la situation de certains travailleurs saisonniers marocains dans une exploitation du Lot-et-Garonne (sud-ouest) évoque la traite d’êtres humains.

Ahmed Chtaibat, directeur de la représentation de l’OFII au Maroc.Crédit: DR

Lina Rhrissi, l’une des journalistes ayant contribué à la réalisation de ce reportage a détaillé, dans un entretien accordé à TelQuel, les circonstances de cette enquête. Dans le secret d’une exploitation éloignée des administrations françaises, un employeur a profité de la précarité de ses employés marocains, leur imposant des conditions de vie dégradantes pour un travail harassant et sous-rémunéré.

Comment des ouvriers agricoles marocains se retrouvent-ils exploités de cette manière ?  Pour le comprendre, TelQuel a rencontré Ahmed Chtaibat, représentant de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) à Casablanca, qui délivre les visas aux saisonniers.

TelQuel : Pouvez-vous nous expliquer la façon dont un travailleur marocain peut se retrouver à travailler dans les champs français ?

Ahmed Chtaibat : Il existe trois modalités distinctes de recrutement des saisonniers marocains par les exploitants agricoles français.

La première est le recrutement direct, sur place : il s’agit d’exploitants ayant vécu au Maroc et qui ont tissé des liens étroits avec les habitants d’un village, par exemple. Ils recrutent alors directement des travailleurs qu’ils connaissent ou qui leur ont été recommandés localement.

La deuxième modalité est le recrutement par cooptation. Dans ce cas, l’exploitant sollicite un intermédiaire — souvent l’un de ses salariés marocains — pour lui proposer des profils correspondant à ses besoins. À l’origine, cette méthode reposait fréquemment sur la recommandation de membres de la famille de l’employé.

Enfin, la troisième modalité est le recrutement anonyme. L’exploitant fait part de ses besoins à l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC), qui présélectionne des candidats en fonction de critères professionnels. Ces derniers sont ensuite retenus ou non à l’issue d’un entretien avec l’employeur.

Ces trois modalités existent depuis toujours. Le recrutement par cooptation est néanmoins le plus répandu. Aujourd’hui, on observe cependant un phénomène malheureux d’intermédiation qui peut conduire à des abus via la « marchandisation » des contrats de saisonniers.

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